vendredi, mai 30, 2025

Gestion de l’hygiène menstruelle : briser le tabou pour libérer la parole et émanciper les filles.

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Dans bien des communautés, parler des menstruations reste une ligne rouge que peu osent franchir. Phénomène pourtant naturel, elles continuent d’être enveloppées dans un silence pesant, alimenté par les traditions, les croyances et l’ignorance. Ce tabou collectif constitue un frein à l’épanouissement personnel, éducatif et social de nombreuses jeunes filles.

Dans plusieurs sociétés africaines, les règles sont perçues comme une impureté ou un mauvais présage. Il est courant d’entendre que les femmes en période menstruelle ne doivent ni cuisiner, ni s’approcher des champs, ni même toucher certains objets sacrés. Ces interdits ancestraux, bien qu’ancrés dans la tradition, nuisent gravement à l’estime de soi et à la liberté des jeunes filles.

« Quand j’ai mes règles, ma grand-mère me dit de ne pas m’approcher des marmites. Je ne comprends pas pourquoi », confie Akouvi, 15 ans, élève à Tohoun.

Ce type de superstition empêche une prise en charge saine et sereine des menstruations, perpétuant des attitudes de rejet, de honte et d’exclusion.

Dans les foyers, rares sont les parents qui abordent frontalement le sujet avec leurs enfants. Par pudeur, gêne ou simple ignorance, les règles deviennent un « non-dit » familial. Beaucoup de filles découvrent ce bouleversement physiologique sans y avoir été préparées, ce qui accentue la peur, la honte, voire la stigmatisation.

À l’école, le malaise persiste. Certains enseignants, faute de formation ou de volonté, évitent les chapitres liés à la puberté, privant ainsi les élèves d’une éducation complète à la santé sexuelle et reproductive.

« J’ai été surprise et très effrayée lors de ma première menstruation. J’ai cru que j’étais malade », témoigne Fati, 16 ans, élève à Gléi.

L’omerta autour de l’hygiène menstruelle est aussi le reflet d’une société dominée par des normes patriarcales où la parole des femmes est souvent reléguée au second plan. Le manque de produits d’hygiène adaptés, de toilettes séparées à l’école ou de politiques publiques inclusives expose les jeunes filles à des risques sanitaires, à l’absentéisme scolaire et à la déscolarisation.

Selon des études récentes, près d’une fille sur dix en Afrique subsaharienne manque l’école pendant ses règles, souvent par crainte d’être humiliée, ou tout simplement par absence de moyens pour se protéger correctement.

Face à cette réalité, de nombreuses voix s’élèvent pour que les menstruations ne soient plus considérées comme un sujet honteux, mais comme une réalité biologique à respecter et à accompagner.

  1. Éduquer dès le plus jeune âge

L’introduction de modules clairs sur la santé menstruelle dans les programmes scolaires, destinés aussi bien aux filles qu’aux garçons, est essentielle. L’éducation permet de démystifier, de normaliser et de favoriser le respect mutuel.

  1. Former les éducateurs et sensibiliser les familles

Des campagnes communautaires, des causeries éducatives ou des clubs d’écoute peuvent aider les parents et les enseignants à mieux comprendre les enjeux et à briser le tabou. Parler des règles ne devrait plus être un sujet de honte.

  1. Rendre les produits hygiéniques accessibles

Lutter contre la précarité menstruelle, c’est aussi offrir gratuitement ou à faible coût des protections (serviettes, coupes menstruelles, etc.), encourager la production locale et équiper les établissements scolaires de toilettes propres, sûres et privées.

  1. Impliquer les leaders d’opinion

Les chefs traditionnels, les leaders religieux, les artistes ou influenceurs peuvent jouer un rôle clé dans la normalisation de la parole autour des règles. Leur implication contribue à faire évoluer les mentalités en profondeur.

« J’ai compris que mes règles ne sont pas une malédiction. C’est normal. Maintenant, je parle avec mes amies et on s’aide », affirme Fati, avec un sourire libéré.

Libérer la parole sur les menstruations, c’est libérer la jeune fille. C’est lui permettre de vivre son cycle sans honte, sans peur, et de poursuivre son parcours scolaire et personnel avec dignité. C’est aussi bâtir une société plus égalitaire, où les besoins spécifiques des filles et des femmes sont reconnus, compris et pris en compte.

Briser le tabou des règles, c’est enfin un acte de justice, de respect, et d’humanité.

Jean-Marc Ashraf

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