D’Atakpamé à Gléi et Anié : Un message théâtral qui parcourt le Togo.
Après une première représentation poignante à Atakpamé, la pièce de théâtre Entre-Deux a poursuivi son itinérance en faisant escale à Gléi, chef-lieu de la commune Ogou 3, avant de clore cette première sortie à Anié. Ce spectacle puissant, qui aborde avec acuité la complexité du deuil et des traditions familiales en Afrique, ne laisse aucun spectateur indifférent.

Mercredi soir, la cours de loisirs de la NSCT d’Atakpamé a été le cadre d’une immersion saisissante dans les réalités souvent tues du deuil. Entre-Deux, par sa mise en scène percutante et ses dialogues ciselés, a mis en lumière des problématiques cruciales : le poids du lévirat, les tensions familiales autour de l’héritage, et le choc entre modernité et coutumes ancestrales. La pièce questionne : comment une famille traverse-t-elle la perte d’un être cher ? Quels conflits surgissent lorsque traditions et nécessités contemporaines s’entrechoquent ?
La conception de Entre-Deux est le fruit du talent de Jeannine Bessoga, avec une mise en scène soignée de Hanifa Dobila et un travail sonore et lumineux orchestré par Fortuné Atchoro. Sur scène, les comédiens Yawa Denyo Sophie, Gavlo Claude, Kossi Ayéna et Charles Aménou ont livré une performance d’une intensité rare, incarnant avec justesse des personnages tiraillés entre douleur, devoir et espoir.

C’est à Gléi, chef-lieu de la commune Ogou 3, que Entre-Deux a trouvé une nouvelle résonance. Dans cette ville où cohabitent attachement aux traditions et aspirations au changement, le public a accueilli la pièce avec un mélange d’émotion et de réflexion.
« Ce spectacle raconte ce que nous vivons, mais que nous n’osons pas toujours exprimer. Les conflits familiaux après un décès, les décisions imposées au nom de la tradition, c’est une réalité ici », confie Sylvain, habitant de Gléi, visiblement bouleversé à la sortie du spectacle


Pour Ameyo Anyigbanua, directrice artistique de la maison Iléwa Atakpamé, Entre-Deux dépasse le simple cadre du divertissement :
« Le théâtre a un rôle fondamental dans la société. Il éclaire, il questionne, il aide à comprendre. Ici, nous voyons comment les traditions façonnent encore nos vies et comment nous pouvons, peut-être, les repenser. »
La présence du représentant du Directeur Régional des Arts et de la Culture, M. Agbéti, a renforcé l’importance de cette initiative. Selon lui, le théâtre doit être un outil de sensibilisation et d’éducation, capable d’accompagner les mutations culturelles et sociales.
La pièce a poursuivi sa route vers Anié, marquant ainsi la fin de cette première sortie. Cette ultime représentation a attiré un public varié, curieux et concerné par les thématiques soulevées. Fabienne Vuilleumier, expatriée vivant au Togo, estime que la pièce mérite une plus large diffusion :
« Elle devrait être jouée dans les écoles, les universités, les centres culturels. Ce sont des réalités qui touchent tout le monde, et le théâtre a ce pouvoir de provoquer la réflexion. »
Face à l’engouement suscité, la troupe Atakpamé Iléwa, avec le soutien de La Fabrique de Fictions et de l’Institut Français du Togo, envisage déjà d’élargir la tournée à d’autres villes du pays.
Avec Entre-Deux, le théâtre prouve une fois encore qu’il est un miroir de la société, un espace où les questions les plus délicates peuvent être explorées sans détour. À travers ce spectacle, une conversation essentielle s’ouvre sur le deuil, les traditions et l’évolution des mentalités.
Gléi et Anié auront été des étapes clés de ce voyage artistique et social, témoignant de la force du théâtre lorsqu’il se fait le porte-voix des réalités humaines les plus profondes.
Jean-Marc Ashraf