À l’heure où l’Afrique fait face à une spirale d’endettement inquiétante, Lomé s’est imposée comme le point de départ d’une nouvelle approche continentale. Du 12 au 14 mai, la capitale togolaise a accueilli une conférence de haut niveau de l’Union africaine sur la gestion de la dette publique, couronnée par une Déclaration de Lomé qui propose des solutions concrètes et structurées pour restaurer et préserver la viabilité de la dette africaine.
Une réponse ferme à une urgence silencieuse

L’endettement excessif étrangle les économies africaines et freine leur développement. Face à ce constat alarmant, la conférence a réuni décideurs politiques, experts financiers et institutions partenaires, autour d’un message central : il est temps de traiter le mal à la racine. La Déclaration de Lomé appelle à l’annulation ciblée des dettes impayables, tenant compte de la situation réelle de certains États, afin d’éviter des défauts de paiement en chaîne.
Les participants insistent aussi sur la nécessité de réformer les politiques économiques nationales, en privilégiant une croissance durable basée sur des taux de progression de 7 à 10 %, rendus possibles par une transformation productive accélérée et une meilleure gouvernance financière.
Repenser les sources de financement

L’un des axes majeurs de la Déclaration est la diversification des financements. L’Afrique est appelée à sortir de la dépendance aux emprunts classiques, en recourant à des alternatives comme :
- les Partenariats Public-Privé (PPP),
- les obligations vertes et sociales,
- l’échange de crédits carbone,
- les obligations Panda, déjà utilisées en Asie.
Ces instruments permettront de mobiliser des ressources à des coûts plus soutenables tout en attirant les capitaux internationaux dans des projets structurants.
Renforcer les mécanismes africains de résilience financière
La conférence propose aussi d’accélérer la mise en place de deux piliers stratégiques :
Le Mécanisme africain de stabilité financière (MASF) : destiné à aider les pays en difficulté par des prêts concessionnels et des plans de secours.
L’Agence panafricaine de notation de crédit : pour produire des évaluations financières plus objectives et réduire la prime de risque injustement imposée par les agences occidentales.
Réagir avant qu’il ne soit trop tard : restructurer autrement
Plutôt que d’attendre que la crise frappe, les experts réunis à Lomé préconisent un reprofilage préventif de la dette. Cette stratégie permettrait aux États africains d’ajuster leurs dettes à temps, d’éviter le surendettement et de maintenir la confiance des investisseurs.
Un appel à la justice financière mondiale
La Déclaration interpelle aussi les institutions internationales, notamment le FMI, en demandant une révision du mécanisme d’attribution des Droits de Tirage Spéciaux (DTS). En 2021, l’Afrique n’a reçu que 5 % des DTS alloués à l’échelle mondiale. Un déséquilibre jugé inacceptable, que la Déclaration invite à corriger, tout comme l’usage d’outils d’analyse de la dette jugés obsolètes et inadaptés à la réalité africaine.
Lomé ne propose pas de simples réformes techniques : elle propose un changement de paradigme. Pour sortir du piège de la dette, l’Afrique doit se doter de ses propres mécanismes, refuser les normes injustes, et bâtir une vision souveraine de sa trajectoire économique. Cette Déclaration marque un tournant : l’Afrique veut désormais gérer sa dette avec intelligence, anticipation et indépendance.
Jean-Marc Ashraf