Elles sont souvent oubliées, marginalisées, et leurs souffrances invisibles. Pourtant, les femmes handicapées sont deux à trois fois plus exposées aux violences que les autres femmes. Dans le cadre des 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre, AfrikElles, premier média numérique togolais certifié par le Journalism Trust Initiative (JTI), a lancé une campagne inédite pour mettre en lumière leur réalité et amorcer des solutions.

« Nous ne sommes pas que des victimes, mais des êtres humains »
Dans un témoignage poignant, Marthe, une femme de 34 ans en situation de handicap moteur, raconte : « Quand j’ai voulu porter plainte contre mon partenaire pour violences physiques, on m’a dit que personne ne me croirait parce que je suis dépendante de lui. On m’a conseillée de me taire et de supporter. » Comme Marthe, de nombreuses femmes handicapées au Togo subissent non seulement des violences, mais aussi une double stigmatisation, liée à leur genre et à leur handicap.



Fatoumata, malvoyante de 28 ans, a partagé son expérience de violence psychologique : « Même ma propre famille m’humiliait en me disant que personne ne voudrait d’une femme comme moi. Cela m’a détruite pendant des années. » Ces récits révèlent l’ampleur d’un phénomène méconnu et rarement documenté.

Les statistiques manquent cruellement pour mesurer avec précision l’ampleur des violences subies par les femmes handicapées. Néanmoins, selon Rashida Manjoo, ancienne Rapporteuse spéciale de l’ONU, ces femmes sont exposées à des violences spécifiques, souvent invisibilisées dans les études globales.

La directrice de publication d’AfrikElles, Eugénie GADEDJISSO TOSSOU, a insisté : « La rareté des données ne doit pas être une excuse pour ne pas agir. Nous savons que les violences existent. Il est temps d’en parler, d’écouter, et surtout, d’agir. »
La campagne d’AfrikElles vise à briser le silence et à éveiller les consciences. Elle s’appuie sur quatre axes majeurs :
Identifier et documenter les violences faites aux femmes handicapées ;
Sensibiliser à l’importance des lois existantes et des recours juridiques ;
Encourager les victimes à dénoncer leurs agresseurs ;
Créer des structures d’accueil pour recevoir et traiter les plaintes.
Grâce à des contenus médiatiques et des initiatives locales, AfrikElles espère sensibiliser le public et inciter les institutions à renforcer leur engagement.

Cette première édition de la campagne a bénéficié du soutien du gouvernement togolais, du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), et de plusieurs associations locales telles que le CACIT, la FETAPH, et WILAT Togo. Ces partenariats ont permis de rassembler des experts, des militants, et des victimes autour d’un document de plaidoyer ambitieux.
Pour Agnès, membre de l’Association Together : « Nous voulons que ce document ne reste pas un simple papier. Il doit devenir un outil de transformation sociale. »
AfrikElles voit au-delà des 16 jours d’activisme. « La lutte contre les violences faites aux femmes handicapées ne peut se limiter à une campagne annuelle. Cela doit devenir une cause nationale et un engagement quotidien », a affirmé Eugénie GADEDJISSO TOSSOU.

Elle a appelé à une mobilisation collective, soulignant que chaque citoyen a un rôle à jouer pour bâtir une société inclusive où chaque femme, quelle que soit sa condition, peut vivre en sécurité et dans la dignité.
Avec des témoignages bouleversants et une volonté de changement, cette campagne marque un tournant dans la lutte contre les violences basées sur le genre au Togo. AfrikElles espère que la deuxième édition, prévue l’année prochaine, s’appuiera sur des actions concrètes pour transformer la réalité des femmes handicapées.
Jean-Marc Ashraf