Dans un contexte de profondes mutations institutionnelles, le Togo vient de franchir un tournant décisif. Le Congrès réuni ce samedi a porté à la magistrature suprême un vétéran de la politique togolaise : Jean-Lucien Savi de Tové. Une élection aux allures symboliques qui marque la fin d’une ère et le début d’une nouvelle architecture du pouvoir.
Réunis en Congrès, les 150 membres des deux chambres du Parlement togolais – députés et sénateurs – ont unanimement élu Jean-Lucien Kwassi Lanyo Savi de Tové Président de la République, conformément à la nouvelle Constitution promulguée le 06 mai 2024. Cette élection, fruit d’un processus exclusivement parlementaire, reflète les dispositions de l’article 35, qui réserve la présentation des candidats aux seuls groupes parlementaires constitués. L’Union pour la République (UNIR), parti majoritaire, a proposé un unique candidat.
À 85 ans, Jean-Lucien Savi de Tové n’est pas un inconnu. Né à Lomé le 7 mai 1939, diplômé en droit de l’Université de Bordeaux, il a traversé toutes les grandes étapes de la vie politique togolaise. Proche du pouvoir à ses débuts – il fut secrétaire général du ministère des Affaires étrangères après le coup d’État de 1967 – il connaîtra aussi la prison, accusé de tentative de putsch en 1979. Devenu figure de proue de l’opposition pluraliste dans les années 90, il fonde le Parti des démocrates pour l’unité (PDU), qui fusionnera avec d’autres forces pour former la Convergence patriotique panafricaine (CPP).
Ministre du Commerce en 2005 sous Faure Gnassingbé, puis président du Cadre permanent de dialogue et de concertation (CPDC), Savi de Tové incarne le profil d’un homme de compromis, doté d’une longue expérience institutionnelle. Désormais chef de l’État, il prêtera serment devant le Congrès avant d’entrer en fonction.
Dans la nouvelle architecture politique du Togo, le Président de la République incarne l’unité nationale. Il adresse des messages aux chambres, accrédite les diplomates, remet les distinctions officielles et reçoit deux fois l’an le Président du Conseil – désormais Faure Gnassingbé – pour être informé de la situation de la Nation, en présence une fois par an d’une délégation des chefs traditionnels.
Bien que doté d’un rôle essentiellement protocolaire et symbolique, le Président n’est pas au-dessus de tout. En cas de manquement grave à ses devoirs, un quart des députés peut engager une procédure de destitution, nécessitant une majorité des deux tiers du Parlement réuni en Congrès.
Avec l’élection de Jean-Lucien Savi de Tové, le Togo inaugure un modèle inédit où l’expérience rencontre la transition politique. En tournant la page de la présidence exécutive au profit d’un régime parlementaire, le pays fait le choix d’un équilibre renouvelé. Reste à savoir si cette refondation institutionnelle saura répondre aux aspirations profondes de démocratie, de justice et de stabilité.
La Rédaction
